Il existe les regards et l’âme qui s’y reflète. Il existe la musique et ses notes magiques. Il existe ces longs silences qui en disent long. Il existe ces gestes et ces actes qui démontrent si fort. Il existe l’art pour faire vibrer la corde de l’émotion. Tous ces langages sans phrases reflètent qui nous sommes et ce que nous voulons exprimer. Comme le cinéma muet ou le mime, ils ont leur heure de gloire mais peut-on, pour autant, imaginer un monde sans mots? Que l’on crie, que l’on chante, que l’on se lamente ou que l’on psalmodie, les mots sont le fil de l’expression où, tels des funambules, nous marchons, parfois incertains et souvent courageux.

Peu de temps après sa naissance, l’humain fait ses premiers pas. Pourtant, cela ne lui suffit guère d’explorer le monde, de découvrir ces sensations si nouvelles pour le petit être neuf qu’il est. Regardez-le gazouiller, babiller, bredouiller fièrement ses premiers mots. Il partage. il partage en riant, il partage en pleurant, il partage en parlant ou en se révoltant mais il jamais il ne cesse de partager.

Plus tard, cet humain devenu grand, écrira, se confiera parfois à la page blanche, et, à chaque instant de sa vie, il utilisera des mots. Quand il aura la faim qui lui tenaillera les entrailles, quand il aura si froid en apprenant l’hiver mais aussi quand il voudra très fort ou quand qu’il ne voudra absolument pas. À son premier amour, il osera offrir ses mots doux comme un cadeau enrubanné, à son premier adversaire, il usera de mots tranchants comme une arme, il apprendra les mots que l’on dit en société, les serments et les mots tabous que l’on ne dit pas. Il apprendra les mots rouges comme la colère, les mots qui exsudent nos nuages noirs et les mots limpides qui apaisent nos chagrins et enfantent la sérénité.

Oui, les mots nous accompagnent, ils sont notre inaliénable héritage. Notre bagage. Nos outils. Ils se démodent parfois, ils s’oublient quand on les abandonne  et  on en invente alors de nouveaux. Ils ont une étrange façon de demeurer en nous, même quand on les offre. Ils voyagent de langue en langue, ici ou ailleurs et abolissent parfois ces frontières que l’homme a construites.

Les mots, cet amalgame de phonèmes se choisissent pour leur musique et pour leur sens. Ils parlent d’engagement et d’émotion, d’ironie parfois. Ils sont là pour notre premier discours, notre première déclaration, nos balbutiements et nos imparables argumentations. Ils sont là pour informer, pour séduire, pour comprendre, pour échanger, pour convaincre, pour donner, pour s’aimer. En monologue ou en dialogue. Et quand le monde perd ses valeurs, quand le monde se distorsionne et part en guerre, les mots se révoltent et combattent, informent et révolutionnent.

C’est pourquoi, que ce soit dans un message, dans une longue lettre parfumée, au téléphone avec la voix pour support ou susurrés langoureusement à une oreille complice, les mots sont nos compagnons de route  et nos fidèles amis, si on sait les choisir pour qu’ils expriment parfaitement qui on est et ce que l’on veut dire. Les beaux mots pour le dire. Si l’on échoue, alors les mots que l’on voulait jolis, se transforment en indésirables maux. Des mots dits aux maudits mots. Et notre musique, en une cacophonie discordante qui ne peut rien moins que bouleverser notre vie. Tel est le pouvoir des mots.