Rien ne définit plus un être humain que sa façon de s’exprimer…le langage est le moyen le plus usité pour communiquer. Non seulement la langue traduit notre pensée mais son niveau reflète notre structuration mentale, notre intellect et notre bagage culturel. Elle est le vêtement qui nous habille, elle se module à notre environnement et, honnêtement, qui aurait l’idée d’aller en pyjama et en pantoufles à une soirée chic ?

On dit souvent que l’intelligence est la capacité d’adaptation à des circonstances, à une situation nouvelle, à un cadre précis. Adapter notre langage est donc une façon de démontrer la facilité que nous avons à nous intégrer, à prendre, tel un caméléon, la couleur du décor.

À un ami, nous nous permettrons un coloré  » hé, mon homme (ou mon vieux), t’as vu ton look, t’as l’air d’avoir mis les doigts dans la prise, t’es pas dans ton assiette, toi ! On dirait bien que ton palpitant va te faire passer l’arme à gauche ! ».

À un inconnu en société, nous énoncerons plutôt un courtois  » Bonjour, cher monsieur, si je puis me permettre, vous êtes pâle et  semblez souffrant. Votre état m’inquiète. »

À l’être aimé nous dirons avec tendresse  » Que se passe-t-il mon amour ? Ça n’a pas l’air d’aller, toi ! Oh je n’aime pas ça. On dirait que tu couves quelque chose. »

Chez le médecin, nous expliquerons : » Docteur, je ne sais pas ce qui se passe. Mon enfant s’est levé ce matin avec le cœur qui battait vite et l’envie de vomir. Je suis préoccupée. Pouvez-vous me dire ce qu’il a ? »

Bien sûr à l’écrit, la différence est encore plus flagrante. Même si, habilement, certains professionnels adoptent volontairement  un ton dit amical ou familier pour mieux se rapprocher de leur cible, l’écrit est plus formel. À l’oral, les mots sont évanescents, ils sont des passants qui, certes, peuvent marquer mais finissent par disparaître. À l’écrit, le lecteur photographie les mots instinctivement, les enregistre sans le savoir, les mémorise, sans le vouloir. Dites-moi :  qui ne se recoiffe pas, ne prend pas inconsciemment la pose ou ne montre pas  son meilleur profil, lorsqu’il sait qu’on va l’immortaliser sur un cliché ?

Si demain vous commandez une pizza en disant :  » Cher Monsieur, ma famille et moi, nous avons décidé de commander une de vos succulentes œuvres culinaires, et  dans un élan de gourmandise, certes condamnable, nous aimerions en commander un exemplaire. Dans votre expertise, reconnue par nos pairs, auriez-vous l’obligeance de me conseiller l’une de vos créations qui obéisse à nos impératifs carnés?  » ,  il n’y a guère de chance que l’employé ne croit pas à une erreur et vous réponde  » une double fromage conviendrait-elle aux goûts raffinés de votre noble tribu, cher monsieur? ». Si vous allez chez le coiffeur et que vous réclamiez  » une coiffure à laisser coi Marie-Antoinette » vous vous exposez à une réponse du genre  » Quoi? Marie-Antoinette ? Connais-pas.. Hey Ginette tu la connais, toi, Madame Toinette, Marie de son prénom ? » .

En revanche, pour un discours devant une assemblée aux sages complets gris, il est rare qu’un orateur lance « salut la gang, alors on est sorti du bois, les petits loups ? Pour une fois que vous faites quelque chose qui a du bon sens !. »

Pourtant. dans un spectacle d’humour, ces propos seraient gagnants pour briser la glace !

Dans le langage, il existe donc plusieurs registres de langues, adaptés aux circonstances :

Le registre standard ou courant qui s’emploie usuellement, avec des inconnus, avec une syntaxe correcte, un vocabulaire composé de mots simples et parfois de répétitions mais où  on ne dénote aucune erreur grammaticale remarquable.

Le registre soutenu est employé en littérature, pour des discours de haut-niveau, des discours mémorables. On cherche le verbe exact, une syntaxe irréprochable, un vocabulaire recherché. Les phrases sont construites, le discours structuré et elles dégagent une sorte d’harmonie qui s’apparente aux grands opéras. Ceci est dû notamment au rythme particulièrement étudié. Le registre soutenu, c’est du Mozart! La répétition, quand elle existe, est un effet de style volontaire et adéquat.

Le registre familier est celui que l’on emploie avec ses proches. Le vocabulaire est composé de mots parfois inventés, de raccourcis, parfois de jurons ou d’expressions orales, du tutoiement, d’images  parfois drôles. Le langage est informel, on utilise des mots passe-partout pour ponctuer le discours et il arrive, dans ce relâchement, de faire des fautes  de syntaxe. Bouche plus ouverte, avec ou sans mimique, on dira : « j’sais pas » plutôt que  » je ne sais pas » ou ‘ je l’ignore ». On dira  » ouais » au lieu de « Oui ».

Le registre populaire ressemble beaucoup au registre familier mais il concerne une tranche de la population peu scolarisée, qui va se servir de nombreuses interjections et de nombreux anglicismes du style « j’ai tombé » ou encore « Oh boy, je dois s’en occuper, et céduler une date » ou le grinçant  » si j’aurais su ». Il y a souvent des ruptures de syntaxe dans les phrases, des prononciations relâchées ou des mots tronqués, sans que l’émetteur du discours n’en ait forcément conscience.

Le registre trivial ou vulgaire met en avant des mots grossiers et parfois choquants, utilise beaucoup d’expressions du domaine sexuel ou scatologique et privilégie plutôt les interjections et les phrases incomplètes. Le but est souvent de faire de l’effet, voire d’insulter ou d’humilier l’autre. Ce n’est pas tant le mot lui-même que son emploi ou son intention dans la phrase. Il faut distinguer le coloré  » Eh merde!  » qui jaillit spontanément lors d’un ennui ou quand on se cogne le petit orteil contre le pied de la table et le  » tu es une merde » qui, lui, est grossier. Le langage vulgaire utilise des mots dit  » tabous » et non seulement transgressifs mais insultants et c’est ce qui en fait la vulgarité. Certains mots grossiers peuvent se teinter d’une petite note d’humour qui en font des mots tendres  du style  » salut p’tit con…je t’aime toi », dont la connotation sert plutôt à exprimer du positif, dans une forme de pudeur, et qui est généralement bien acceptée.

 

Finalement, on peut dire que le registre de langue dépend beaucoup de notre contexte, de nos connaissances, de notre culture, de notre respect de la langue, de notre interlocuteur, de nos capacités à nous adapter aux réalités sociales qui nous entourent.

Les mots deviennent lourds de sens dans certains contextes. Ainsi le mot « nègre » (negro en espagnol veut simplement dire « noir » ) était accepté dans la période de la colonisation mais est devenu aujourd’hui un mot indicible…même pour désigner un écrivain prête-plume ou encore l’art africain. Le politiquement correct est de mise. Même si certains écrivains africains revendiquent aujourd’hui eux-mêmes ce qu’ils nomment leur « négritude ».

Alors me direz-vous, n’existe-t-il donc aucune manière de blesser, de toucher avec d’autres mots que ceux du registre vulgaire? Bien sûr que oui et les mots choisis et élégants peuvent être très incisifs et avoir encore plus de force…Un peu comme si le fait d’être irréprochables les rendaient inattaquables et donc plus percutants. Derrière les mots, il existe l’intention et elle a une valeur indiscutable dans l’équation.

Plus que jamais, les mots et leur ordonnancement sont la force de vos messages et l’art de la communication n’est rien d’autre que cette aisance à adapter sa façon de communiquer à son ou ses interlocuteurs.  Plus  encore que ne le feront votre message, votre allure ou vos gestes, le choix de vos mots exprimera qui vous êtes profondément et quel chemin vous avez parcouru.

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